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Politique à gauche: La gauche, l’Ukraine et la Russie

Le numéro actuel de l’hebdomadaire en ligne québécois Presse-toi à gauche publie cet article de l’écosocialiste marxiste Daniel Tanuro et d’autres, publié d’abord dans la publication belge Le Vif. Ma traduction. -Richard Fidler

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Ce que la guerre a révélé sur la nature des sociétés ukrainienne et russe

Revenant sur l’année qui s’est écoulée depuis l’invasion russe de l’Ukraine, nous voudrions faire une pause dans les considérations militaires et/ou géopolitiques, les analyses habituelles consacrées à cette guerre, et nous concentrer sur ce qu’elle a révélé sur la nature de les sociétés concernées.

Au cours de l’année écoulée, nous avons été impliqués, à travers le Réseau européen de solidarité avec l’Ukraine, dans de nombreuses actions de solidarité ou d’information qui nous ont permis de mieux connaître les réalités ukrainiennes. Les nombreux contacts que nous avons noués ont confirmé l’existence d’une société civile plurielle et diversifiée. Toutes ses branches, dans toute leur diversité, sont pleinement inscrites dans la résistance à l’agression russe, résistance qu’elles conçoivent non pas comme une cause strictement nationale mais comme un combat de la société elle-même pour la préservation de son mode de vie, de ses valeurs, etc. Il y a un an, si la Blitzkrieg de Poutine a échoué, c’est surtout grâce à la résistance de la population, aux innombrables initiatives des citoyens ordinaires pour repousser l’envahisseur. L’État ukrainien est faible, inefficace et profondément corrompu, comme l’illustrent également les récents ratissages de Zelensky. Sans les miracles accomplis par les réseaux d’auto-organisation populaire de toutes sortes, la survie même du pays aurait été plus qu’improbable.

La société ukrainienne est pluraliste et la « Révolution Maïdan » de 2014 a donné lieu à un épanouissement tout à fait remarquable de la production culturelle et artistique, notamment dans le domaine du cinéma. L’invasion russe, cependant, a créé une situation paradoxale. Les premières victimes des exactions des occupants sont les Ukrainiens russophones et la résistance dans les zones occupées de l’Est et du Sud leur est principalement due. Mais à la suite de l’agression, des sentiments nationalistes se sont développés qui rejettent tout ce qui est russe, attaquant parfois la culture et la langue russes dans leur ensemble de manière aveugle et irrationnelle. Il est probable que seule une victoire commune sur les agresseurs établira une situation plus équilibrée.

La société russe, en revanche, se caractérise avant tout par deux choses : la peur et l’affaiblissement. Le régime de Poutine est passé d’un autoritarisme illibéral à une dictature ouverte, et la répression se poursuit sans relâche. Alors que sa guerre ne suscite guère plus qu’un enthousiasme artificiel, les manifestations publiques d’opposition demandent beaucoup de courage et restent sporadiques. Une majorité de Russes préfèrent regarder ailleurs et évitent de parler de la guerre.

André Markowicz, poète et écrivain qui est le plus éminent et passionné rénovateur de la traduction française de la grande littérature russe, a publié un bref essai « Et si l’Ukraine librait la Russie ? [What if Ukraine were to liberate Russia?]. Cela va au cœur du sujet. L’Ukraine se bat d’abord pour sa liberté, mais il faut aussi que « l’Ukraine gagne la guerre pour que le régime de Poutine s’effondre et qu’il y ait dans les ruines de ce régime une possibilité démocratique ». Comme le montrent en effet les précédents de la guerre de Crimée (1853-1856), de la guerre russo-japonaise (1904-1905), de la Grande Guerre (1914-1917) et de la guerre d’Afghanistan (1979-1989). Il y a une histoire récurrente en Russie de défaites militaires devenues l’ouverture de révolutions ou de bouleversements réformateurs. La belle devise des insurgés polonais de 1830, « Pour votre liberté et pour la nôtre », reste d’actualité.

Le régime de Poutine est national-conservateur et néo-impérialiste, avec une référence particulière à l’héritage de Nicolas Ier, le plus réactionnaire de tous les tsars du XIXe siècle. Son prétendu populisme se résume aux accents utilisés pour fustiger les opposants libéraux ou les fonctionnaires en disgrâce. Mais dans sa politique internationale comme dans l’exercice du soft power russe, Poutine combine avec brio le soutien et l’utilisation simultanés des courants et des personnalités les plus diverses, de l’extrême droite à l’extrême gauche, pour affaiblir d’autres puissances et diffuser sa propagande.

C’est une des raisons[1] à l’origine de la scission majeure que la guerre en Ukraine a créée dans les rangs de la gauche, notamment de la gauche radicale. Alors que l’antifascisme et l’anticolonialisme sont censés faire partie de son ADN, on a vu une partie de celui-ci, dont l’importance varie selon les pays, reprendre tout ou partie des arguments de Poutine, le plus souvent au nom de considérations géopolitiques extrêmement sommaires (on dit que la Russie est encerclée !!). Des militants ou des intellectuels aguerris qui ont passé leur vie à promouvoir des « luttes armées de libération nationale » aux quatre coins du globe, refusent désormais, au nom d’un impératif de « paix », de distinguer l’agresseur de l’agressé et de soutenir les dernier.

Notre action, en revanche, met en avant le droit des peuples à l’autodétermination et donc le respect de l’indépendance et de l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Mais nous voulons aussi contribuer à renforcer tout le potentiel démocratique et émancipateur que nous voyons s’exprimer sous de multiples formes au sein de la vie sociale ukrainienne. Ce soutien, nous l’apportons surtout à la résistance opposée à la volonté impériale de l’anéantir, mais nous l’adressons aussi aux forces sociales progressistes qui, en Ukraine même, cherchent, par exemple, à contrecarrer les politiques socio-économiques ultralibérales des gouvernement ou la saisie de précieuses ressources naturelles par certains oligarques très favorisés.

[The authors close with a call to readers to participate in a demonstration convened by groups promoting solidarity with Ukraine’s resistance, which was to be held in Brussels February 25.]

France Blanmailland (avocat)

Daniel Tanuro (écrivain écosocialiste)

Jean Vogel (professeur ULB)

Laurent Vogel (chercheur à l’Institut syndical européen)


[1] L’autre raison étant l’obsession du seul « impérialisme américain », qui fait que tout dictateur assoiffé de sang devient le champion du peuple dès qu’il se trouve en conflit avec le gouvernement des États-Unis.

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